Suite à notre article de la semaine dernière sur la zone démilitarisée, cette semaine nous vous proposons un autre article sur l'histoire de la péninsule Coréenne. La visite de ce weekend concernait la prison de Seodaemun qui était le principal lieu d’incarcération, d'exécution, de torture et de travail forcé des résistants coréens pendant l'occupation de la péninsule par l'empire du Japon de 1907 à 1945. Après le retrait des troupes japonaises dans la péninsule, la prison de Seodaemun est restée en activité jusqu'en 1987, date à laquelle le gouvernement de Corée du Sud a décidé de la transformer en musée et en mémorial sur les violences pendant l'occupation japonaise.
Entrée principale de la prison de Seodaemun |
On regrettera que la visite de la prison passe complètement sous silence toute la période qui a suivit l'occupation japonaise, car il semble que les actes barbares commis dans cet endroit n'aient pas complètement pris fin avec la défaite de l'Empire du Japon. En particulier, pendant les années du président Park Chung-Hee, Seodaemun aurait servi de lieu de torture et parfois d'exécution sommaire, où étaient envoyés les opposants au régime auxquels on collait en général une étiquette de communiste favorable à Pyeongyang, même quand ce n'était pas forcément le cas. Les mauvaises langues diront que le président Park Chung-Hee ayant servit dans l'armée impériale japonaise, il n'est pas très étonnant que les méthodes pour s'occuper des communistes n'aient pas changées avant et après l'occupation. Le contexte de conflit avec la Corée du Nord n'a probablement pas aidé non plus.
L'entrée du 1er bâtiment de la prison de Seodaemun |
La visite commence par un premier bâtiment dont l'intérieur a été rénové et aménagé avec des panneaux et des écrans interactifs qui font un rappel de l'histoire de la péninsule entre 1875 et 1945, et qui s'intéresse plus particulièrement aux relations houleuses avec le voisin Japonais qui petit à petit a fait en sorte que la Chine, puis la Russie perde leur influence sur la Corée afin de pouvoir l'annexer et de pouvoir utiliser sa main d'oeuvre, et ses ressources agricoles et minières dont le Japon était de fait devenu de plus en plus dépendant à la fin du XIXème siècle.
Dans cette optique, on nous montre donc des copies des différents traités signés (ou pas) entre l'Empire du Japon et l'Empire de Corée : Traité de Ganghwa (1876), Traité de Jemulpo (1882), traité de Hanseong (1885), accord bilatéral de 1904, Traité d'Eulsa (1905), traité de Jeongmi (1907), Traité d'annexation (1910).
La visite continue en entrant dans le vif du sujet, et en nous parlant un peu plus de la prison de Seodaemun qui faisait parti d'un vaste réseau de prisons contrôlées par l'empire du Japon. L'explosion de la population carcérale entre 1907 et 1945 (3.000 à 30.000 prisonniers) aura poussé les Japonais a agrandir 4 fois la prison de Soedaemun et à construire des prisons annexes à Incheon et Chuncheon afin de maintenir le contrôle sur la population coréenne et de réduire le risque d’insurrection.
Plan et maquette de la prison lorsqu'elle a atteint sa taille maximale dans les années 40 |
Nous sommes ensuite descendus dans les sous-sols du premier bâtiment, où sont exposées des planches anatomiques rédigées en japonais et indiquant les différents points de tortures du corps humain à utiliser pour faire parler les prisonniers, ou les faire souffrir le plus longtemps possible sans qu'ils ne meurent. Ça a continué crescendo avec la visite de salles de tortures dans lesquelles des scènes de tortures ont été reconstituées avec des mannequins.
Les différentes scènes reconstituées au sous-sol étaient accompagnées par des haut-parleurs qui reconstituaient les cris des prisonniers qui suppliaient en coréen ou en japonais. On pouvait également lire les détails sur les différents types de tortures : amputations de diverses extrémités, électrochocs, trucs pointus plantés sous les ongles, être suspendu par les pieds éventuellement la tête dans un seau d'eau, se faire verser des trucs bouillant sur le visage ou sur le corps, mutilation du visage, rupture d'organe internes, etc.
Mais il y avait aussi des explications du genre : "les salles d'interrogations étaient adjacentes aux salles de tortures pour que les résistants coréens puissent entendre les cris des suppliciés".
Une salle d'interrogatoire |
Alors que Shin Yeong avait presque tourné de l'oeil, nous sommes arrivés dans une autre salle avec un écran interactif pour entendre des témoignages de résistants coréens qui ont survécu à cette prison. Nous avons notamment écouté le témoignage d'une résistante coréenne qui avait été incarcérée pendant 4 ans à Soedaemun et qui avait revisité la prison une fois celle-ci transformée en musée, et qui nous expliquait que les scènes reconstituées n'étaient en fait rien comparé à ce qui leur était vraiment arrivé ici. Cette femme visiblement hantée par cette prison raconte dans son témoignage des scènes abominables de stérilisation de femmes insertion d'objets contondant dans le vagin, mais aussi de prisonniers torturés en étant trainés derrière des avions ou des bateaux, ou encore d'insertion d'objet dans le pénis des prisonniers, qui étaient par la suite amputés ou brûlés.
Après notre passage dans cette zone, suivie par la visite de la salle de récupérations des corps des pendus, dans laquelle la trappe et la corde étaient encore visibles, c'est dans un silence pesant que nous avons continué notre parcours dans ce lieu aussi intéressant qu'abominable. La seule comparaison qui me vient à l'esprit pour vous décrire l'atmosphère et le ressenti de cet endroit, serait la visite du camp de concentration de Buchenwald en Allemagne il y a quelques années.
Un couloir avec des cellules |
Nous avons ensuite traversé un couloir avec des cellules, certaines d'entre elles pouvaient être visitées pour mieux se rendre compte, ou bien pour en lire plus sur les conditions de vie des prisonniers qui mourraient de chaud en été, de froid en hiver et de maladies toute l'année car la plupart des cellules n'avaient pas de toilettes pendant l'occupation japonaise et étaient sur-peuplées.
Le même couloir avec au-dessus un mannequin représentant un surveillant Japonais |
Nous sommes ensuite sortis pour visiter d'autres sections : Blocs où étaient incarcérées les femmes, blocs dédiés au travail forcé pour soutenir l'effort de guerre japonais, ou tout simplement pour produire les objets, matériaux et vêtements nécessaires au bon fonctionnement de la prison, zones pour faire de l'exercice, zone, pour les malades atteints de la lèpre, fosse pour jeter les cadavres, etc.
Sur cette photo, à gauche un bloc avec des cellules, et au fond à droite on aperçoit une zone dans laquelle les prisonniers pouvaient aller faire de l'exercice si leur condamnation les y autorisait |
Une tour de surveillance |
La "zone pour faire du sport". Il y avait un prisonnier par secteur et ils étaient séparées par les murs que vous voyez sur la photo afin qu'ils ne puissent pas communiquer |
Une des cours de la prison |
Certains bâtiments ont également été transformés en mémoriels dédiés aux résistants coréens morts à Seodaemun pendant l'occupation et dont les photos par centaines sont épinglées sur les murs de différentes salles. D'autres si on peut dire on été plus chanceux et ont survécus pour pouvoir témoigner et avoir un petit espace dédié à l'intérieur de la prison dans lequel on peut lire leur histoire.
Photographies des coréens décédées à Seodaemun pendant l'occupation japonaise, parce qu'ils se sont battus pour l'indépendance de leur pays. |
C'est tout pour cet article, et bien que je sois conscient que la prison de Seodaemun ne soit pas un endroit particulièrement joyeux, c'est une visite que je recommande vraiment à celles et ceux qui s'intéressent à l'histoire de la Corée.
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