Alors que nous ne sommes plus qu'à 10 jours du graduate exam et que l'immense volume de connaissance à ingurgiter pour le jour J ne semble pas diminuer au fur et à mesure que nous avançons, ce mardi est à placer sous le signe du Fail.
Tout a commencé ce matin lorsque je suis arrivé vers 9h30 au laboratoire et que ma collègue Indonésienne et mon collègue Cambodgiens étaient entrain de pester après leurs ordinateurs parce qu'internet ne marchait pas. Notez que tout marchait normalement la veille au soir.
J'allume donc mon PC pour constater que chez moi non plus pas de net. Comme tout marchait normalement du côté du laboratoire occupé par Fred et les autres, nous avons donc commencé à faire un état des lieux des ordinateurs de notre salle : Sur 10 PC, 3 avaient le net : Ceux des coréens de la salle, et celui du collègue Malaisien qui comme il est là depuis très longtemps était donc, par chance, sur la dernière adresse IP d'un DNS différent du notre. Les mauvaises langues penseront tout de suite à un complot contre les étrangers.
Après avoir testé de nombreuses prises avec des câbles traversant la salle dans tous les sens, et après plusieurs reboot d'une passerelle sous Windows ce qui a eu pour effet de finir de planter le net dans toute la salle, il a fallu se résoudre à exhumer le switch ethernet, qui était devenu la source la plus probable de notre problème.
Entre temps, nous avions perdu l'imprimante réseau empêchant ainsi l'impression par le réseaux des multiples papiers écrits par professor dans la nuit et provoquant un déferlement d'arrivée par fax, seule alternative possible vu que plus rien ne marchait. Même le téléphone commençait à déconner, se mettant à émettre de façon aléatoire des bruits suspects ne correspondant ni à la sonnerie du fax, ni à la sonnerie classique des appels de professor. Il était temps d'agir !
Le switch était enterré sous des piles de vieux bouquins de Java, des vieux écrans cathodiques et protégé par une muraille de vieilles unités centrales qu'il a fallu déblayer à la pelle avant d'atteindre la protection finale composée d'un impressionnant volume de poussière.
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La bête une fois déterrée. Visiblement ne sert pas que pour les 10 PC de notre salle. On remarquera le câblage particulièrement bien organisé, ça ressemble un peu au poteaux électriques dans la rue devant l'appart |
Alors qu'un des coréens armé d'un tournevis s'apprêtait à ouvrir le switch, un second coréen plus âgé a débarqué, suggérant qu'il valait mieux appeler le service technique d'INHA (sorte de SRI local) pour qu'ils nous amènent un autre switch.
Après une pause café et de nombreux reboots, nous avons été informés qu'il n'y aurait pas de switch de secours tout de suite. Nos collègues sont donc partis en chercher un dans une autre salle de l'étage (l'histoire ne dit pas ce qu'ils ont débranché pour avoir ce switch, peut-être le bureau du prof d'à côté). Seulement voilà, le nouveau switch avait beaucoup moins de prises que le précédent et aucun câble ethernet n'avait d'étiquette pour indiquer à quel PC il correspondait, ni duquel arrivait internet.
Nous nous sommes donc lancés de façon très désorganisée dans l'essayage de toutes les combinaisons, débranchant et rebranchant de manière anarchiques des câbles réseaux de plus en plus emmêlés toujours avec le même résultat : Au moins un PC qui n'avait pas le net, mais jamais le même.
A 13h30, lorsque je suis revenu de la pause repas tout le monde avait de nouveau le net sauf le collègue cambodgien qui était occupé à découper son câble ethernet au cutter pour vérifier l'ordre des fils. Kyeong Jin qui avait bricolé avec les fil toute la matinée, l'avait visiblement trollé avant de partir manger et lui avait expliqué que c'était sûrement la faute au câble ou à Windows si ça ne marchait pas. N'ayant visiblement pas saisi que c'était une blague et les reboot à répétition n'ayant rien donné, il avait commencé à attaquer le câble ethernet.
Ayant fait remarquer que les fils ne s'étaient probablement pas inversés tout seul dans le câble pendant la nuit, mais que nous devions juste être encore sur une mauvaise configuration dans laquelle sont câble n'était pas branché, nous avons rafistolé le câble ethernet et attendu le retour de Kyeong Jin pour retenter des combinaisons avec le switch.
A 14h30, le net fonctionnait enfin partout.
La journée n'aurait pas été complètement une journée du Fail sans le cours de Machine Learning avec notre professeur préféré : le professeur Taeho Jo, qui occupe un bureau voisin de notre laboratoire. Un professeur gentil, qui veut toujours bien faire ses cours, mais qui est un peu maudit ... C'est un peu comme aimant à catastrophes : La clé de la salle est toujours perdue au moment de son cours, l’électricité se coupe quand il est dans l'ascenseur, sa page Facebook s'ouvre aléatoirement pendant le séminaire avec professor, des sites de chrétiens intégristes s'ouvrent à la place des pages web qu'il veut nous montrer pour illustrer le cours, la modification en live de son Powerpoint échoue, ses colis se perdent et arrivent au laboratoire au lieu de son bureau, etc. Bref, la vie d'un enseignant n'est pas toujours facile.
Mais comme nous avons appris via sa page perso que c'était un grand passionné de jeux de stratégies et d'hymnes nationaux (bon ok, ça on s'en fiche), et qu'il essaye de nous dire quelques mots en français quand il peut, c'est forcément quelqu'un de bien. Et en tant que professeur, il fait toujours de son mieux.
Justement ce soir, il nous a fait un remake de la clé perdue. Ni le Jedi Kid du 13ème, ni la coréenne à large mâchoire qui sont habituellement chargés de la clé n'y avaient pensé. Et forcément, à 18h, tout le monde était parti manger et donc impossible de trouver une clé de secours. A 18h20 notre brave professeur de Machine Learning qui n'en finissait plus de se confondre en excuses était sur le point de se faire harakiri au milieu du couloir (c'était ça ou aller frapper au bureau de professor pour demander une clé), lorsque par miracle la coréenne à large mâchoire qui avait passé les 20 dernières minutes à téléphoner partout dans INHA a fini par trouver quelqu'un qui avait une clé.
A 18h26 donc, nous avons pu entrer dans la salle. On aurait pu croire que le professeur aurait démarré son cours en catastrophe (pun intended) pour rattraper le retard. Et bien pas du tout ! Il s'est lancé dans un discours grandiloquent, qu'il a nous indiqué comme étant "nécessaire pour évacuer le traumatisme de la situation de crise que nous venions de vivre". Avec notre nouveau collègue français de l'ISEP, nous avions déjà du mal à ne pas rire, mais le professeur a continué inlassablement sur sa lancée mélodramatique en nous expliquant que "nous aurions pu changer de salle pour gagner du temps, mais ça aurait peut-être perturbé certains élèves affectant ainsi leur capacité à comprendre le cours". Il a insisté pour marquer le coup en nous expliquant que c'était "dans ce genre de situation qu'il faut rester calme et ne pas péter les plombs", et qu'il fallait "suivre son exemple et ne pas paniquer, comme lui lorsqu'il était resté coincé dans l'ascenseur". Nous avons vécu en direct une de ses fameuse scène qui pour nous occidentaux n'existe que dans les animés, la scène ou un prof explique à ses élèves ce qui fait la différence entre lui professeur et les simples élèves : Il a gardé son calme dans l'ascenseur lorsque l'électricité est tombée en panne ! Je ne sais pas si vous vous rendez bien compte de l'énormité de la chose. Autant vous dire que quand il nous a re-raconté un petit coup l'histoire du Fail de l'ascenseur (une fois en anglais et une fois en coréen d'ailleurs) nous étions pétés de rire.
Entonnement, les coréens n'ont pas trouvé ni cet incident, ni les histoires héroïques du professeur tellement drôles. C'est encore une fois la preuve que nos deux cultures sont très différentes.